Au départ, il en était le visage politique. Recruté pour donner une allure congolaise à une rébellion largement perçue comme téléguidée depuis Kigali, Corneille Nangaa, ancien président de la CENI, était présenté comme l’architecte d’un nouveau front politique rebelle : l’Alliance Fleuve Congo (AFC). Un projet officiellement lancé à Nairobi en décembre 2023, censé rassembler des groupes armés de l’Est, des partis politiques et diverses figures dissidentes autour d’un objectif commun : « changer de régime dirigeant de la RDC».
Mais un an et demi plus tard, la donne semble avoir changé. Un rapport confidentiel du groupe d’experts de l’ONU, publié ce mercredi 2 juillet 2025, révèle que Corneille Nangaa a été progressivement écarté par le Rwanda, principal soutien de l’AFC/M23. Pour la simple raison d’une ambition jugée trop personnelle et trop radicale : celle de prendre le pouvoir jusqu’à Kinshasa par la force.
« Si le Rwanda et le M23 souscrivaient à l’idée d’un changement de régime, ils n’étaient pas favorables à une campagne militaire visant Kinshasa », note le rapport, soulignant que l’ancien patron de la CENI, lui, ne cachait plus ses visées sur le pouvoir.
Corneille Nangaa avait pourtant été porté dès les débuts comme coordinateur politique du mouvement, avec pour mission de « congoliser » la rébellion et lui offrir une légitimité sur la scène nationale. Mais face à son discours de plus en plus tranché, et à ses intentions de pousser l’offensive bien au-delà du Kivu, les alliés rwandais auraient préféré calmer le jeu.
« Ce changement s’explique principalement par l’ambition personnelle de Nangaa de prendre le pouvoir à Kinshasa par la force », écrit le groupe d’experts.
Le Rwanda, qui continue de jouer un rôle central dans la gestion stratégique et logistique de la rébellion, aurait donc réajusté sa ligne : continuer la pression militaire dans l’Est, mais sans prendre le risque d’une conquête de la capitale congolaise, qui pourrait faire basculer la situation à l’échelle internationale.
Le rapport onusien lève le voile sur l’organisation réelle de la rébellion. Le commandement militaire reste entre les mains du général Sultani Makenga, tandis que Bertrand Bisimwa et Corneille Nangaa dirigent la branche politique du moins sur le papier. En réalité, le document souligne que les véritables décisions continuent d’être prises en coordination avec Kigali.
Des figures rwandaises bien identifiées comme Fred Ngenzi Kagorora et le général Patrick Karuretwa sont citées comme des relais directs entre le pouvoir rwandais et les chefs rebelles, entretenant des échanges réguliers avec Makenga, Bisimwa et le colonel Imani Nzenze.
Depuis son retour sur la scène militaire en novembre 2021, le M23 désormais camouflé sous la bannière de l’AFC a connu une expansion fulgurante. En seulement quelques mois, il a mis la main sur les deux capitales provinciales stratégiques de l’Est : Goma (Nord-Kivu) et Bukavu (Sud-Kivu). Une progression inquiétante qui met en difficulté le gouvernement central, dont les forces armées peinent à contenir l’avancée rebelle.
Mais cette domination militaire est loin de faire l’unanimité au sein de la population congolaise. La majorité des Congolais rejette fermement la méthode de l’AFC/M23, jugée violente et téléguidée de l’extérieur.
Berm’s Bamba